Rencontre avec Christophe Franck, entraineur de boxe pieds-poings, préparateur physique et auteur de E-SPORTING-COACH.FR
Christophe FRANCK - 2016-05-20
L'entraineur a un rôle clé dans le projet sportif d'une équipe ou d'un(e) sportif(ve). Quel est la vision d'un entraineur d'un sport individuel sur son rôle.
A ton avis, comment un entraineur peut-il faire gagner un sportif ?
Christophe FRANCK : Il peut l'aider dans la préparation de l'échéance, la gestion de l'entrainement, dans les choix stratégiques et tactiques, dans le fait de mettre le sportif dans de bonnes dispositions psychologiques. Néanmoins, l'entraineur ne peut pas faire de miracle : si le sportif n'a pas le potentiel, le niveau ou la motivation nécessaire, il échouera.
Faut-il avoir été un sportif de haut niveau, un champion pour faire un bon entraineur ?
J'espère que ce n'est pas obligatoire [sourire, ndlr]! Je ne l'ai pas été ! Je ne crois pas que ce soit une condition incontournable. En revanche, j'ai combattu. J'ai gagné ou perdu les combats mais j'ai appris à appréhender une rencontre. Dans tous les sports, de très bons entraineurs n'ont pas été de grands champions ou des joueurs professionnels. Et parmi les champions qui décident d'entrainer, tous ne deviennent pas de grands entraineurs. Par contre je suis persuadé que l'entraineur doit avoir un très bon bagage technique et tactique. C'est l'essence même d'une discipline sportive la technico-technique. Ensuite il faut évidemment d'autres qualités, mais celle-ci est indispensable. Ceux qui ont été « champions » ont cette qualité, c'est certain. A eux d'avoir les compétences pour transmettre leur savoir et leur expérience. Le plus pour eux sera de pouvoir comprendre leurs sportifs pour avoir vécu des moments similaires et aussi d'avoir vu plusieurs méthodes d'entrainement avec des coachs différents.
La formation théorique est-elle indispensable ou peut-on se contenter de l'expérience acquise et d'un bon instinct ?
Elle est indispensable. L'instinct seul permet à mon avis de « faire un coup » ponctuellement ; mais je ne pense pas qu'un entraineur sans bagage théorique suffisant pourra bien entrainer sur une longue période des athlètes différents. Un entraineur doit posséder des connaissances dans de multiples domaines et tout n'est pas « inné ». La pédagogie, la psychologie, la gestion de groupe, la préparation physique... sont des connaissances à acquérir. Après, l'expérience et l'instinct viendront étayer ces connaissances théoriques pour faire que l'entraineur soit un homme de terrain efficace.
Comment et quand deviens-t-on entraineur ?
Pour moi c'est venu tôt, quand je pratiquais encore finalement. Je lisais pas mal de choses, je gardais les fiches pratiques des magazines spécialisés et je notais ce que je trouvais intéressant dans les séances de mes entraineurs, quelle que soit la discipline ; j'écrivais des plans de préparation physique, je pensais à des exercices et je les testais. Puis sous l’impulsion d’une de mes professeures, j'ai passé mon premier diplôme d’entraineur [monitorat de boxe française ndlr]. J'ai alors entrainé un public loisirs d’adultes puis des ados. Je pense que c’est important d’être un éducateur sportif avant d’être un « entraineur sportif » ; ça oblige à véritablement travailler la pédagogie. Surtout avec les enfants et les adolescents ; si ce que tu proposes n’est pas adapté, la sanction est immédiate : ils te le disent et ne reviennent pas. De ces publics ont émergé des personnes avec un fort potentiel. Je les ai accompagnés dans leur progression. Là, j'ai du plancher pour acquérir les bases de l'entrainement de haut niveau : planifier, hiérarchiser, choisir, conduire les séances, etc. Ça m'a plu et je me suis aperçu que mon message ne passait pas trop mal. Les résultats ont été au rendez-vous et çà m’a motivé pour poursuivre. Mais je continu à apprendre auprès de personnes plus « calées » que moi dans leur domaine. Et je continu à chercher comment améliorer ce que je fais ou ce que j'ai fait.
Quelles sont les qualités nécessaires pour être un entraineur qui « gagne », donc qui fait gagner ?
Etre psychologue, au sens « à l’écoute », dans un premier temps. C'est une qualité indispensable. Tu auras beau avoir toutes les connaissances possibles, si tu n'es pas capable de comprendre, d'écouter, de déceler les doutes de ton sportif, il n'y aura pas de communication performante avec lui. Ça ne veux pas dire qu'il faut discuter sur tout, tout expliquer pendant des heures, mais le sportif doit savoir ou tu l'emmènes, et toi tu dois être certain que vous êtes sur la même longueur d’onde. Ensuite il faut les connaissances de terrain et scientifiques comme je l’ai dit précédemment. Enfin je pense qu’il faut être exigent, avec soi même et avec ses athlètes. Ça permet de se remettre en question et de progresser.
As-tu une philosophie dont tu ne déroges pas ?
Oui : expliquer la démarche globale de la préparation et pour les séances et exercices, répéter sans rabâcher. Je crois qu'il n'y a rien de pire que de refaire faire les mêmes séances aux sportifs. Que l'objectif soit le même oui, mais la forme doit être différente pour surprendre l'athlète. Ça demande du travail. En échange je leur demande un engagement maximum. Dans les exercices et dans l'appréhension globale de la préparation.
Est-ce plus facile d'entrainer des athlètes que tu as formé ou des champions que tu récupères déjà matures et expérimentés ?
J'ai eu beaucoup plus de sportifs de la première catégorie citée. Je ne sais pas si c'est plus facile dans un cas ou un autre. Avec un sportif déjà expérimenté, s’il y a un bon feeling, une confiance mutuelle et du respect pour les compétences réciproques, on va être dans le haut niveau, la recherche de résultat et c'est sûr que c'est stimulant. Avec des athlètes que l'on forme, il y a une complicité et une confiance réciproque qui se créent au fur et à mesure des années. Lorsqu'on atteint le titre visé, la joie est donc certainement multipliée. Néanmoins, une fois que ces sportifs sont devenus des champions accomplis, on peut sentir des fissures dans la relation entraineur-entrainé. Ce n'est pas anormal, l'athlète a besoin de s'émanciper. Dans ce cas, soit l’entraineur accepte « les conditions » de son athlète, soit c’est une rupture, douloureuse ou consentie. L’entraineur n’est pas « propriétaire » de son athlète, quel que soit le niveau atteint. Mais la réciproque est identique. Personnellement, je ne vis pas à travers la réussite de mes athlètes, je suis fier d’eux et encouragé dans ma vision de l’entrainement.
Le rôle du coach est-il important pendant une rencontre ?
Sans aucun doute. L'avantage du coach est d'être « à l'extérieur » de l'affrontement. Ce recul permet d'avoir une vision d'ensemble de l'action que n'a pas le sportif concentré sur son adversaire et sur la tactique choisie. En boxe, à la minute de repos tu peux réajuster la tactique et remotiver ton athlète. C’est identique en sport collectif. La différence, c’est le temps de parole donc la manière de faire passer ton message. Plusieurs temps de périodes courtes en sports de combat, des temps plus longs mais moins nombreux suivant les sports collectifs. Pour d’autres sports, que je connais moins, comme le tennis, l’athlétisme, la natation et bien d’autres, le message passe par des gestes ou d’autres moyens certainement.
T’es tu déjà senti responsable de l’échec ou de la défaite d’un athlète ?
Oui heureusement ! Sinon cela voudrait dire que je ne me remets pas en question. Mais le rôle de l’entraineur n’est pas d’être dans le constat « sec » du résultat. Je veux dire par là que l’échec est possible et doit être envisagé dans le sport. Sinon, il n’y aurait plus d’entraineurs ! Une échéance pour moi, c’est « analyse – décision – action – bilan ». Alors à moi de décortiquer chaque étape et de voir si j’ai fait une erreur dans l’une ou plusieurs d’entre elles.
As-tu un combat ou une préparation dont tu es particulièrement fier ?
Les rencontres ou préparations où mes athlètes ont gagné ! Plus sérieusement, je crois que je suis fier des préparations ou j’ai suivi le cycle cité dans la réponse précédente : « analyse – décision – action – bilan ». J’ai laissé le moins de place possible au hasard, je me suis engagé auprès de l’athlète, je lui ai donné des certitudes. J’ai envisagé toutes les tactiques possibles de l’adversaire, préparé mon athlète sur les plans physique, mental et technico-tactique. J’ai géré l’environnement, les sparring, l’alimentation, etc. Au-delà de çà, je suis heureux de l’après carrière des athlètes que j’ai entrainé. Parce que plus que des titres, je crois que ce sont des personnes fières de ce qu’elles ont fait et qui se sont appuyées sur leur réussite sporive pour réussir leur vie.