Physiologie de l'entraînement > Bio-énergétique
Christophe FRANCK - 2016-03-10
Le secteur bio-énergétique englobe sur un plan chimique tout ce qui concerne l'apport, le transport et la transformation des besoins en énergie de fonctionnement ainsi que l'évacuation des déchets. Les fonctions contenues dans ce secteur sont les fonctions respiratoire, circulatoire, digestive et excrétrice.Les sources énergétiques de l'effort
Un effort se fait grâce à une mobilisation de forces existantes s'il y a production d'énergie. Celle-ci, chez l'être humain, est fournie par une molécule nommée ATP (Adénosine Triphosphate) présente dans la fibre musculaire et seule responsable de la contraction musculaire.
Cette molécule, en se dégradant va :
- libérer de l'énergie ;
- permettre la contraction des fibres musculaires ;
- produire une force.
L'ATP, présente en très petite quantité dans l'organisme, peut assurer un effort violent d'environ deux secondes, soit l'équivalent d'un saut vertical unique; elle va devoir être renouvelée (resynthétisée) en permanence pour avoir une continuité du travail musculaire.
Suivant l'intensité et la durée de l'effort fourni, les sources d'énergie utilisées pour resynthétiser l'ATP sont différentes, et on se trouve alors dans une des filières anaérobie alactique, anaérobie lactique ou aérobie.
Production de l'ATP
Utilisation du stock initial d'ATP au tout début (et pendant 2 à 3 sec.) du travail musculaire. L'ATP en se dégradant (grâce à des enzymes* appelées ATPases) permet la production d'énergie mécanique (25%). Les résidus sont l'ADP (Adénosine Diphosphate) et de l'énergie calorique (75%).
* proteïnes accélérant la vitesse des réactions chimiques
Resynthèse de l'ATP
Par la voie ANAEROBIE ALACTIQUE (les réactions chimiques de transformation n'exigent pas la présence d'oxygène dans la cellule et ne produisent pas ou peu de lactates). C'est le système ATP-PC, premier processus permettant de renouveler l'ATP. L'ATP est majoritairement resynthétisée grâce à l'ADP (molécule issue de l'ATP après dégradation) associée à la Créatine - Phosphate (ou phosphocréatine ou phosphagène) présente dans les cellules musculaires. Cette réaction chimique est possible grâce aux enzymes (ici CPK créatine phosphokinase).
Cette source, immédiatement disponible mais de faible quantité, est utilisable à intensité maximale pendant 5 à 7 secondes maximum et fournit de l'énergie de façon intense. Elle concerne les fibres à contraction rapide.
Un point intéressant dans le cadre de l’entrainement est que la phosphocréatine est renouvelée grâce à l’oxygène. Cela induit le fait que plus le système aérobie est performant, plus cette resynthèse s’effectue et plus les brefs efforts intenses peuvent être répétés.
Par la voie ANAEROBIE LACTIQUE (avec production de lactates). C'est le système glycolytique. Une fois la source énergétique des phosphagènes épuisée, de nouveaux substrats sont nécessaires pour assurer rapidement une resynthétisation de l'ATP. Ce sont des formes dérivées du glucide qui seront la source d'énergie : le glycogène (stocké dans le foie et les muscles) et le glucose (sanguin).
La production d'énergie se déroulant dans le sarcoplasme musculaire (grâce au système enzymatique) permet un effort intensif "violent" mais limité en durée (30 sec. à 1 ou 2 mn pour une intensité moindre) et concerne les fibres à contraction rapide. La dégradation du glucose produit de l'ATP et du pyruvate destiné au cycle de Krebs, transformé en lactate en absence d'oxygène. Ce lactate va être réutilisé par l'organisme pour recréer de l'ATP. Si l'intensité de l'effort reste très élevée, la capacité de recyclage est dépassée et l'accumulation d'ions d'hydrogène dans les muscles et versés dans le sang altère le fonctionnement de la filière énergétique, empêche la contraction musculaire et participe à l'apparition de la fatigue et de la douleur musculaire.
Zoom sur : Pourquoi on dit lactates et pas acide lactique en physiologie du sport ?
Si vous souhaitez passer pour un entraineur crédible, il ne faut pas dire : « l’acide lactique nuit à l’effort ». Non, non et non ! Dans le contexte de l’exercice sportif, en physiologie, on parle de lactate. Ça c’est pro 😉. Explications.
Sur le plan chimique, la différence entre « acide lactique » et « lactate », c’est un ion hydrogène. L'acide lactique (C3H6O3) est une molécule organique qui se forme lors de la glycolyse anaérobie, processus métabolique où le glucose est converti en énergie sans apport d’oxygène. Mais, en milieu aqueux, l'acide lactique libère un ion hydrogène (H+) et se transforme en lactate (C3H5O3−). Et le corps humain, composé à 70% d’eau, est un milieu aqueux avec un pH corporel* autour de 7.4.
Une libération importante d’ions hydrogène vont perturber cet équilibre pour le faire pencher vers le côté acide. L’accumulation de lactates a donc une implication directe sur la baisse du pH sanguin et l'acidose lactique.
En conclusion, voilà pourquoi il faut utiliser le terme « lactate » et non « acide lactique » dans le cadre de l’effort physique et ses processus métaboliques et physiologiques.
* Le pH pour potentiel d’hydrogène indique une concentration d’hydrogène dans un liquide. Celui-ci est dit acide lorsque son pH est inférieur à 7 et alcalin lorsqu’il est supérieur à 7.
Par la voie AEROBIE (Les réactions exigent la présence d'oxygène). C'est le système oxydatif : l'apport d'oxygène dans les fibres musculaires (essentiellement fibres à contraction lente) va permettre un énorme rendement énergétique. Plus de 90% de l'ATP synthétisée au niveau des cellules musculaires est fournie par la filière aérobie. La transformation se produit dans les mitochondries, centrales énergétiques permettant de transformer l'ATP dans les cellules musculaires.
L'apport énergétique principal provient des nutriments apportés par l'alimentation. Il s'agit :Les déchets résiduels de cette dégradation aérobie seront de l'eau (sueur) et du gaz carbonique (respiration).
- des glucides, indispensables et provenant des sucres ;
- des lipides, provenant des graisses et utilisés pour les efforts modérés supérieurs à 45 mn et sollicitant plus de 2/3 de la masse musculaire globale ;
- dans une moindre importance, des protéines sous la forme d'acides aminés provenant de la viande, poisson, oeuf, etc.
Cette filière, par l'intermédiaire du cycle de Krebs, permet aussi d'oxyder le pyruvate issu de la glycolyse pour produire de l'énergie. Elle rend possible la réutilisation des lactates pour resynthétiser du glycogène ou de l'ATP. Le lactate est aussi un substrat important de la contraction du myocarde à l'effort. A ce titre on doit considérer le lactate non pas comme un déchet, mais au contraire comme une source d'énergie chimique.
Cycle de KREBS (également appelé cycle de l'acide citrique) : ce cycle complexe, grâce à une série de réactions biochimiques, constitue la voie principale d'obtention de l'énergie. Ces réactions, effectuées en présence d'oxygène et à l’aide d’enzymes spécifiques, transforment les substances résiduelles issues de la dégradation partielle des glucides et des lipides pour resynthétiser l'ATP.
Les processus énergétiques démarrent tous immédiatement mais ont des délais d'intervention différents et des possibilités de rendement étalées dans le temps. Il y a donc un chevauchement des processus suivant leur rapidité de disponibilité, l'intensité de l'exercice, l'apport suffisant d'oxygène, etc. Pour résumer, la nature d'un effort va conditionner les processus mis en oeuvre pour produire l'énergie permettant d'assurer celui-ci. En fonction de sa durée et de son intensité, il y aura prédominance d'une filière mais les autres ne seront pas à l'arrêt. Par exemple, lors d'un sprint de 10 secondes, tous les processus métaboliques interviennent : 4% pour l'ATP, 31% pour la phospocréatine, 51% pour la glycolyse et 14% pour le processus aérobie. (Bogdanis et al.; Acta physiol Scand, 1998). |
Enchaînement des processus énergétiques
Pourcentages de contribution des processus métaboliques dans la production d'ATP - D ’après Newsholme et coll. (1992)
Notez la différence pour le 100m qui correspond à un sprint d'environ 10sec avec les résultats de l'étude donnés ci-dessus. Pour Bogdanis et al., il y a une plus grande participation du processus métabolique aérobie et une moindre pour le processus ATP-PCr.
Courses | Phosphocréatine (PCr) (%) | Glycogène anaérobie (%) | Glycogène aérobie (%) | Glucose sanguin (glycogène hépathique) (%) | Triglycérides (acides gras) (%) |
100m | 48 | 48 | 4 | - | - |
200m | 25 | 65 | 10 | - | - |
400m | 12.5 | 62,5 | 25 | - | - |
800m | 6 | 50 | 44 | - | - |
1 500m | (*) | 25 | 75 | - | - |
5 000m | (*) | 12,5 | 87,5 | - | - |
10 000m | (*) | 3 | 97 | - | - |
42 195m | (*) | 1 | 74 | 5 | 20 |
80 000m | (*) | - | 35 | 5 | 60 |
(*) : dans ces épreuves la phosphocréatine est utilisée dans les premières secondes et, si elle est resynthétisée pendant la course, elle servira aussi pour l ’accélération finale. |
Les filières énergétiques
Voies/filières | ANAEROBIE ALACTIQUE | ANAEROBIE LACTIQUE | AEROBIE | |||
Sources | ATP - CP | Glycogène - Glucose | Glucides - Lipides | |||
Délais d'intervention | Nul | De 7sec à 20sec | 3mn (plein régime) | |||
Oxygène | Non | Peu | Oui | |||
Facteurs limitants | Epuisement des stocks d'ATP et CP Système enzymatique | Acidification de l’organisme par accumulation d’ions hydrogène dans le sang (baisse du pH cellulaire) Système enzymatique | Vo2 Max Stock de glycogène Baisse des substrats Chaleur | |||
Durée de reconstitution | ATP - CP Entre 2 et 5mn | Elimination du lactate en 1h Stock de glycogène en 48h | Stock de glycogène en 24 à 36h | |||
Produit du processus | ADP | Lactates – Ions hydrogène (H+) | Eau (sueur) + CO2 | |||
Energie | Intensité très élevée mais faible quantité | Intensité très importante et en quantité moyenne | Intensité liée au VO2 MAX. et en grande quantité | |||
Aspect | Puissance | Capacité | Puissance | Capacité | Puissance | Capacité |
Durée max. du mécanisme | => 7sec | => 15sec | => 45sec | => 2mn | => 6 à 10mn | > 10mn |
Qualités | Vitesse d'exécution | Endurance de vitesse | Résistance intensité | Résistance intensité | Résistance volume | Endurance |
La capacité et la puissance
Chacune des trois voies énergétiques est caractérisée par une capacité représentant une quantité d'énergie, et une puissance représentant une intensité d'énergie délivrée.
Plus un exercice sera réalisé avec puissance, moins sa durée (sa capacité à maintenir un niveau d'effort) sera longue. Ceci va nous permettre de déterminer les voies énergétiques en fonction des qualités (vitesse, résistance, endurance) à développer.
L'effort : une alternance de charges et décharges
Le couple effort - récupération
Si la notion d'effort vient tout de suite à l'esprit dans l'entraînement sportif, l'autre élément du couple est parfois négligé. Pourtant le développement de chaque filière est dépendant des paramètres durée et intensité, tant pour l'effort que pour la récupération.
Le schéma de l'effort
Durée de l'effort | Brève / Courte / Longue |
Intensité de l'effort | Maximale / Forte / Modérée |
Durée de la récupération | Complète / Incomplète |
Forme de la récupération | Active / Passive |
La gestion de l'effort
Le but de la gestion de l'effort est d'amener les qualités athlétiques d'un sportif à un niveau optimal, en fonction d'un objectif visé, dans le temps et dans sa spécificité.
Suivant les durées et intensités choisies pour les temps de travail et de récupération, on vise une filière pour créer un phénomène de surcompensation des ressources énergétiques et permettre au sportif de progresser.
Par exemple, un sportif courant le semi-marathon est appelé à travailler essentiellement dans la filière aérobie. S'il est évident que sa capacité aérobie nécessaire à tenir entre 1h et 1h30 d'effort doit être développée, il faudra aussi augmenter le seuil anaérobie pour courir le plus vite possible en retardant l'effet anaérobie lactique.
Cette alternance est valable à l'intérieur d'une séance, mais aussi durant tout les cycles de l'entrainement (macro, méso et microcycles).
Le principe de surcompensation
La base de l'entraînement physique repose sur le principe de cumul de stimulations dans le temps : c'est le processus de surcompensation.
La surcompensation est due à la tendance de l'organisme à maintenir constants ses paramètres biologiques face aux modifications du milieu extérieur. On appelle cela l'homéostasie.
Suivant ce procédé, lorsqu' une charge d'entraînement est appliquée à l'organisme, celui-ci va mettre en oeuvre des processus de restauration pour retrouver l'état initial du potentiel énergétique.
Si la charge est proche des capacités maximales d'une qualité physique, l'état après restauration sera supérieur à l'état initial. Si une nouvelle charge est appliquée à ce moment là, le phénomène se renouvellera et le potentiel augmentera.
En revanche si les charges appliquées ne sont plus suffisantes ou trop éloignées, les réserves retrouveront leur état de départ. D'où selon Matveiev « Seuls les exercices sollicitant fortement les réserves énergétiques et entraînant une fatigue aigue initiale, permettent une amélioration du potentiel suivant un phénomème de surcompensation. »
Schéma de la surcompensation
Principe d'élévation du niveau de performance de l'athlète par sollicitions successives
Pendant l'effort, l'organisme puise dans ses réserves et le système de restauration se met en fonctionnement. La fatigue est un signal d'évaluation de l'équilibre « processus de dégradation - processus de resynthèse ».
- Si l'effort est faible, il y a un équilibre entre les deux processus.
- Si l'intensité est grande, le processus de dégradation prédomine et l'effort aura une durée limitée.
- Si l'effort est très intense, le processus de resynthèse est submergé et l'effort rapidement arrêté.
Les réserves se reconstitueront pendant le repos, moment indispensable de la régénération.
Pour progresser il va falloir créer un état de déséquilibre. C'est donc le moment choisi pour appliquer une nouvelle stimulation qui détermine le type d'entraînement. La charge peut être appliquée lorsque la surcompensation se fait, ou avant que les réserves ne soient totalement restaurées (supercompensation). Dans ce cas une période de régénération plus importante sera nécessaire.
Tout l'art et la difficulté de la planification réside dans la gestion de ces paramètres : qualité physique visée, volume, intensité et fréquence d'effort, durée et nature de récupération. Si la gestion est mal faite, c'est la fatigue chronique voire le surentraînement qui s'installeront, où, finalement cas "le moins pire", aucune adaptation et donc progression n'auront lieu.
Les effets immédiats et retardés de l'effort
L'entraînement ayant comme objectif l'adaptation de l'organisme face aux efforts auxquels il est soumis, on peut considérer que ces adaptations ponctuelles ou cumulatives vont engendrer des effets immédiats et des effets retardés sur les paramètres physiologiques.
Les effets immédiats correspondent à une adaptation ponctuelle à une charge d'entraînement : activation des composants du système d'adaptation, recherche d'équilibre et stade de dégradation, en modifiant par exemple la fréquence cardiaque, la ventilation, la consomation d'oxygène, etc.
Les effets retardés correspondent à une adaptation cumulative et relativement stable de l'organisme aux sollicitations, par le biais de répétitions d'exercices, de séances, de travail à une certaine intensité, etc. destinés à apporter une progression des qualités de l'athlète.
Les délais de surcompensation
Efforts réalisés dans la filière :
- Aérobie : 24 à 48h
- Anaérobie lactique : 48 à 72h
- Anaérobie alactique : 12 à 24h