Entraîneur, métier de l'ombre et de l’insatisfaction ?
Christophe FRANCK - 2019-06-09
Un entraîneur a pour mission de développer les facteurs de performance des sportifs dont il a la responsabilité. Cela doit se traduire par une progression individuelle de ceux-ci sur les plans technique, tactique, physique ou psychologique, mais également par une amélioration de la performance de groupe pour les sports collectifs. La responsabilité du projet est partagée par le ou les sportifs et par l’entraîneur.
Le personnage de l’ombre
Le pourcentage précis de responsabilité de chacun est impossible à évaluer. En fonction du résultat, les mérites ou les critiques seront plutôt attribués à l’un ou l’autre. Dans la grande majorité des cas, lorsqu’un sportif gagne, c’est lui le champion, pas l’entraineur. Surtout dans les sports individuels. Pourquoi ? Parce que la réussite est réduite à la partie visible du projet : la compétition. Seul le talent de l’athlète est mis en lumière. Pas le travail de l’ombre mis en place par l’entraineur : élaboration des stratégies, sélection des méthodes de développement, organisation des éléments influençant la performance… En cas d’échec, en revanche, c’est bien cette partie qui sera souvent remise en question.
Ce constat ne doit pas rendre amer l’entraineur. Sa réputation se fait sur le long terme. Elle se construit sur plusieurs années, plusieurs collaborations, quelques échecs permettant de se remettre en question, plusieurs réussites. Un travail de longue haleine. C’est d’ailleurs pour cela que certains très grands champions ne feront jamais de bons coachs. Ils n’ont pas assez d’humilité pour ne pas tirer la couverture à eux et se faire aider lorsque c’est nécessaire.
Témoignage personnel : collaborer avec un autre entraineur Christophe Franck : « Depuis 1993, j’entraine des sportifs. Beaucoup de combattantes et combattants évidemment puisque c’est ma discipline de prédilection. Certaines et certains sont devenus champions régionaux, nationaux, européens et même mondiaux. J’ai collaboré également avec des entraineurs, à leur demande, pour les soutenir dans le domaine de la préparation physique ou pour les accompagner dans l’approche de la compétition de haut niveau. Bref, j’ai une certaine expérience et obtenu des résultats. Néanmoins, je n’ai pas hésité à faire appel à un autre entraineur lorsque ma femme, que j’entraine, s’est engagée dans le championnat national d’assauts en Savate boxe française. Pourquoi ? Tout simplement parce que mon objectif est de lui fournir les meilleures conditions d’accès à la performance. Et que j’ai estimé qu’une autre vision technique et une aide lors du coaching étaient une vraie plus-value pour elle. » |
Un bon entraineur est un entraineur insatisfait
De toutes façons, quel entraineur peut prendre le temps de la satisfaction béate ? Est-ce qu’une course, un match, un combat, même remportés, sont synonymes de victoires parfaites ? L’entraineur doit analyser de façon objective les éléments de la préparation et de la compétition. Et même si tout c’était déroulé idéalement, l’entraineur doit anticiper la rencontre suivante, le tournoi d’après. Sitôt la décision tombée, la tête du coach est déjà dans l’élément d’après. Comme le dit Claude Onesta (ancien sélectionneur de l’équipe de France d’handball, plusieurs fois championne Olympique, du monde et d’Europe) : « Le coach doit être celui qui est en décalage avec les évènements. Le coach c’est le poil à gratter quand tout le monde a perdu le sens de la réalité, et à l’inverse il est le mec qui remonte son groupe quand tout le monde est noyé au fond de la piscine, alors même qu’il est peut-être celui qui est le plus meurtri. Le coach doit être le contrepoids de l’évènement. »
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Pour autant, nul besoin d’être masochiste pour entrainer. La satisfaction du travail bien fait, la capacité de remise en question, le plaisir de construire un projet et de le mener ou l’enrichissement sur le plan humain grâce à la relation aux autres, sont des motivations exaltantes. Alors l’entraineur personnage de l’ombre, oui ; personnage insatisfait, oui ; mais personnage en permanente évolution, sans aucun doute !