Pourquoi si peu d'entraîneurs femmes dans le sport ?

Christophe FRANCK - 2023-03-08

Dans de nombreuses organisations sportives, les équipes sont entraînées majoritairement par des hommes, ce qui peut contribuer à une culture sexiste dans le sport. Si quelques femmes entraînent des groupes de féminines, il est par exemple très rare de voir des entraineuses sur les bancs des équipes masculines. Pour quelles raisons les femmes figurent-elles aussi peu dans les postes de coach et comment peut-on y remédier ?

Des raisons sociales et… sexistes

Malgré la reconnaissance croissante des femmes dans les domaines dominés par les hommes, les entraîneuses restent rares dans le sport de haut niveau. Si l’on prend les sept sports collectifs qualifiées en demi-finale (football, basket-ball, handball, volley-ball, rugby, hockey sur gazon, water-polo) représentés aux Jeux olympiques de Rio de 2016, seules 4 équipes sur 56 étaient coachées par une femme. Les raisons de cette absence de représentation sont multiples.

L'entraîneur adjoint des San Antonio Spurs, Becky Hammon , le mardi 26 décembre 2017. Crédit : Éric Gay, AP

L'entraîneur adjoint des San Antonio Spurs, Becky Hammon , le mardi 26 décembre 2017. Crédit : Éric Gay, AP

L'un des facteurs les plus courants est l'omniprésence des stéréotypes sexistes selon lesquels les femmes sont moins compétentes que les hommes. De nombreux athlètes masculins et organisations sportives pensent que les hommes sont mieux placés pour entraîner des hommes, et cette croyance influence les processus de recrutement et de promotion. Cela entraine également un manque de confiance en elles pour les entraineuses qui vont devoir défendre leurs convictions sportives mais aussi leur qualité de femme.

Un autre facteur est la rareté des opportunités pour les femmes d'acquérir une expérience d’entraîneuse dans le sport. Elles ont été longtemps exclues de la pratique de nombreux sports, entrainant une diminution du nombre et des opportunités d'emplois d'entraîneurs pour les femmes. Ce manque de représentation affecte les aspirantes entraîneuses, qui n'ont pas de modèles, de mentors ou d'opportunités d'avancement professionnel.

Enfin, les horaires exigeants liés aux entrainements et aux compétitions font qu'il est plus difficile pour la plupart des femmes de concilier travail d’entraineur et vie personnelle, surtout lorsqu’elles sont mères. La pratique en elle-même d’une activité physique est déjà compliquée : seules 38 % des licenciés des fédérations sportives sont des féminines.

Quels avantages pour une équipe d’avoir une entraineuse ?

Chargé de mener un projet d'entraînement dont il est le gestionnaire, l’entraineur doit mobiliser des savoirs et des savoirs faire. Ces deux domaines ne font donc pas appel à des qualités détenues exclusivement par des hommes. Engager une entraineuse peut avoir des avantages, essentiellement dans les domaines de la communication et de la prise en compte des spécificités des sportives.

Les entraîneuses ont tendance à être d'excellentes communicatrices, ce qui est essentiel lorsqu'il s'agit d'une équipe d'athlètes. Elles écoutent activement, donnent des commentaires précis et communiquent de manière empathique. Cette approche renforce la confiance et favorise un environnement d'équipe plus favorable.  De plus, les entraineurs femmes ont tendance à se concentrer davantage sur la façon dont chaque joueur s'intègre à la dynamique de l'équipe plutôt que sur les statistiques individuelles. Cela permet de mettre davantage l'accent sur le travail d'équipe et la responsabilité de chaque joueur.

Enfin, les femmes ont souvent des besoins et des préoccupations uniques en matière de santé qui diffèrent de ceux des hommes. Les entraîneuses comprennent mieux ces besoins et peuvent aider les athlètes féminines à les gérer et à s'y préparer pendant l'entraînement sportif.

Comment augmenter le nombre de féminines dans les postes d’entraineur ?

C’est un travail de fond qui doit entrepris, ciblant plusieurs axes comme l’offre de postes, la valorisation des entraineuses en place, la formation ou encore l’expérience.

Prioritairement il faut offrir aux femmes la possibilité d'acquérir des qualifications et de l'expérience en tant qu'entraîneuse.  Cela passe par la sensibilisation des structures sportives aux avantages d'avoir des entraîneuses, en mettant en valeur leurs points de vue, leurs idées et leurs compétences uniques qui peuvent améliorer les performances de l'équipe.

D’un point de vue politique, il faut mettre en œuvre des initiatives qui soutiennent l'égalité des sexes dans le sport en promouvant la diversité, l'inclusion et l'égalité des chances à tous les niveaux, y compris le financement, la gouvernance et le leadership. Ces politiques doivent encourager davantage de femmes à poursuivre une carrière d'entraîneuse en promouvant des modèles, en fournissant des réseaux de soutien et en supprimant les obstacles tels que les préjugés sexistes et la discrimination.

Enfin, il est indispensable, d’augmenter la visibilité des entraîneuses sportives en les présentant dans les médias et en faisant la promotion de leurs réalisations.

Conclusion : tout le monde devrait avoir les mêmes opportunités.

Quelles que soient les raisons de ce manque de représentation, il faut régler ce déficit de manière proactive. Les femmes sont capables d'entraîner des athlètes hommes ou femmes dans le sport. Si peu d’entraineuses sont mises en avant ou médiatisées, c’est tout simplement car elles sont très peu nombreuses. Pourtant, elles ont les mêmes compétences sur les plans techniques, tactiques, scientifiques, pédagogiques et en communication. Fondamentalement, il n’y a pas de spécificité à être une femme pour entrainer.

La « lutte » doit se faire à tous les niveaux d’instances, qu’elles soient politiques ou sportives.

Outre l’avantage de respecter l’égalité entre les femmes et les hommes à compétence égale, engager une entraineuse peut être un modèle solide pour les jeunes athlètes féminines. Et cela peut inspirer une prochaine génération de filles à se lancer dans le sport.

Les préjugés doivent laisser place aux compétences pour que les femmes puissent augmenter leur expérience dans des clubs de haut niveau.

Quelques chiffres (2018) :

  • 63 % des femmes ont pratiqué une activité sportive contre 69 % des hommes. Les femmes représentent 38 % des licenciés dans les fédérations.
  • Les femmes sont plus nombreuses au sein de 9 fédérations sur 88 (le podium : twirling bâton (91 % de femmes), sports de glace (91 %) et danse (85 %)).