Comment varier les formes d’exercices pour développer l’endurance
Christophe FRANCK - 2021-12-02
Développer l’endurance particulière à une activité sportive nécessite de générer des efforts, sur le fond et la forme, s’approchant de ceux réalisés en compétition. Pour autant, cela n’implique pas de réaliser seulement des efforts « in situ », c’est-à-dire purement par la pratique de l’activité. En effet, le jeu spécifique - au sens large et quelle que soit l’activité - ne permet pas toujours un développement contrôlé de chaque voie énergétique. Le travail de l’endurance doit parfois cibler précisément une zone énergétique précise avant d’être réintégrer dans un ensemble.
Ajuster les besoins du sportif aux exigences de sa discipline
Le sportif n’est pas une machine dont l’addition des qualités physiques des différents secteurs suffisent à assurer la performance. Force, vitesse, souplesse ou encore endurance doivent être maximisées pour rendre le sportif plus « fort » sur le plan physique. Encore faut-il que ce renforcement soit en adéquation avec les exigences informationnelles de la discipline. Si l’on recentre le propos sur le domaine de l’endurance, on peut dire qu’en pleine période de développement de celle-ci, il faut éviter deux erreurs.
La première : organiser son entrainement majoritairement à partir d’exercices généraux, donc éloignés de ceux de la discipline sportive particulière. Le danger est de verser dans une préparation physique non optimisée pour les exigences spécifiques du sport concerné. L’objectif du développement de l’endurance est d’être en mesure de répéter avec le plus d’efficacité et le plus grand nombre de fois les gestes gagnants de la discipline. Cette efficacité est prioritairement liée à l’habileté mettant en jeu la précision et la vitesse d’exécution du geste technique. Prenons l’exemple en boxe : les efforts maximaux se font à travers des enchainements de poings, de déplacements, d’esquives, etc. Si des entrainements calibrés et basés sur la course vont bien permettre une amélioration des qualités d’endurance, il sera néanmoins indispensable de transférer ces progrès du domaine énergétique vers l’activité spécifique.
La deuxième : au contraire, ne travailler qu’à partir de situations issues de la pratique de l’activité. La complexité des actions technico-tactiques ou encore la gestion de l’opposition peuvent empêcher l’expression maximale de l’intensité des efforts nécessaires au développement des qualités d’endurance de haute intensité. Prenons l’exemple du développement de la voie anaérobie lactique : cette filière nécessite des efforts quasi maximaux sur une durée comprise entre 20 secondes et 2 minutes. Ils sont difficilement réalisables en gérant une opposition ou un geste très précis. Dans ce type de cas, il est donc plus efficace de réaliser des exercices hors activité pure pour contrôler les paramètres « intensité » et « durée » et développer les mécanismes énergétiques. Le transfert des progrès se fera par une pratique conjointe de l’activité.
C’est donc un compromis entre exercices à la spécificité plus ou moins prononcée et pratique de l’activité qu’il faut réaliser pour être le plus efficace possible. Cela passe par un choix des exercices en fonction des périodes mais aussi des filières énergétiques ciblées. |
Utiliser le bon exercice au moment opportun
Dans le registre purement bioénergétique, il faut adapter les exercices pour qu’ils puissent permettre d’atteindre l’intensité requise de chaque zone. En fonction de celle-ci, on utilisera une forme d’exercice plus ou moins spécifique. Ce degré de spécificité est déterminé par plusieurs critères :
- Les groupes musculaires mis en jeu ;
- Les contraintes biomécaniques (appuis, amplitude du mouvement, résistance opposée, coordination intersegmentaires) ;
- Les exigences fonctionnelles (gainage, propulsion, enchainement d’actions) ;
- La répétition des tâches (durée et récurrence des actions, durée totale de la rencontre).
Plus un exercice englobe de critères, plus il est spécifique. Les exercices sont en général classés comme généraux, orientés et spécifiques.
- Généraux : ils sont communs à plusieurs activités sportives et peuvent être éloignés des gestes techniques. En revanche, ils sont facilement paramétrables (que ce soit la vitesse ou l’intensité) pour développer les différentes zones énergétiques.
- Orientés : ils se rapprochent des efforts réalisés dans la discipline, que ce soit dans la gestuelle et dans l’intensité. Les exercices utilisent les gestes techniques réalisés dans la discipline et peuvent être réalisés à intensité et puissance maximales. Souvent moins facilement paramétrables que les exercices généraux, ils permettent en revanche de solliciter les chaines musculaires spécifiques.
- Spécfiques : Ils respectent précisément la gestuelle liée à la discipline et les conditions d’utilisation associées aux prises d’informations environnantes. Leur objectif est d’optimiser totalement les gestes permettant de « faire la différence » ou de marquer des points.
Exemple de l’entrainement de l’endurance dans les sports de combat
Dans les sports de combat, les efforts demandés sont de très haute intensité et réalisés de façon intermittente. Les voies aérobie et anaérobie sont donc activées pour supporter les efforts nécessaires. Celles-ci nécessitent un protocole de développement intégrant le nombre de répétitions, la durée et l’intensité des efforts, la durée et la modalité des récupérations, mais également le degré de spécificité de l’exercice.
Prenons trois zones énergétiques sollicitées lors de la pratique des sports de combat :
- La capacité aérobie (notion de volume d’endurance) permet de supporter la répétition d’efforts intenses pendant toute la saison et d’enchainer les séances d’entrainement.
- La puissance aérobie permet de maintenir un haut niveau d’échanges sur l’ensemble de la rencontre en reculant le seuil de fatigue et en favorisant la capacité de récupération.
- La voie anaérobie lactique permet d’effectuer des échanges puissants et répétés lors d’une reprise mais également pour les secondes parties de combat (> à 6mn d’affrontement environ) lorsque l’organisme s’acidifie.
Le développement de la capacité aérobie se fait en exécutant de efforts de 30 à 60 minutes à intensité moyenne (75 à 85% de la fréquence cardiaque maximum (FC Max)). Les exercices pourront prendre plusieurs formes : course continue et crosstraining mais aussi séances dédiées à l’apprentissage technique et tactique. Si ces séances sont suffisamment rythmées, elles permettent un bon travail cardiovasculaire tout en pratiquant la gestuelle spécifique.
Le développement de la puissance aérobie nécessite de réaliser des exercices situés autour de la FC Max, elle-même corrélée au niveau de VO2 max. Un moyen efficace d’augmenter la puissance aérobie est de réaliser deux à trois séries de 6 à 10 minutes chacune en alternant des efforts à FC Max (ou proche) et des récupérations actives. La durée des efforts et des récupérations est identique. A partir du moment où l’intensité requise peut être atteinte, les exercices peuvent prendre des formes générales comme des courses navettes, ou du crosstraining orientées comme du travail au sac de frappe ou spécifiques avec des situations normées en opposition.
Le développement de la voie anaérobie lactique dépend d’exercices réalisés à intensité quasi maximale. Deux à trois séries de quatre répétitions d’efforts, compris entre 20 secondes et 1 minute, entrecoupées de récupérations égales à trois fois le temps d’effort, permettent un développement de cette filière énergétique. Entre les séries, il est important de bien récupérer (8 minutes) pour être en mesure de réitérer les efforts. La nécessité de produire des efforts intenses sur une durée relativement longue ne permet pas de s’orienter vers des exercices très techniques ou très tactiques. Il n’y a pas de gestion d’effort : « on part à fond et on cherche à résister à la fatigue », comme lors d’une course de 400 mètres. Les exercices spécifiques, surtout en situation d’opposition, ne permettent la pleine expression de l’intensité du fait des interactions du partenaire. Il vaut mieux privilégier des exercices généraux comme les courses navettes, certains exercices de crosstraining engageant l’ensemble du corps (burpees, squats jump) ou des exercices orientés comme le sac ou le bouclier de frappe.
Evidemment, cette segmentation du travail énergétique par zones d’intensité doit s’accompagner d’exercices en situation réelle de pratique. La gestuelle et l’alternance des intensités différentes sont ainsi intégrés dans des efforts que l’on peut nommer « temps réels* ». Ainsi, l’entrainement de l’endurance s’insère dans un ensemble global cohérent et efficace.
* Une expression prise à Jérôme Huon